Le Maroc a connu, depuis sont indépendance, cinq expériences parlementaires caractérisées, essentiellement, par un progrès significatif de la pratique parlementaire, par un développement notable de l’action législative et enfin par une institutionnalisation dynamique du dialogue entre le gouvernement et le parlement par le biais des questions orales et par l’activité déployée au sein des commissions.
Le Parlement occupe une place importante dans la vie politique du pays, notamment, après les révisions successives de 1992 et de 1996 qui ont renforcé sa représentativité en instituant le bicaméralisme et ont élargi ses prérogatives en matière d’information et de contrôle. Aussi est- il nécessaire, pour comprendre son rôle accru dans la vie politique du pays d’examiner ses attributions traditionnelles à savoir la fonction législative et le contrôle de l’action gouvernementale.
I.
La fonction législative
Le
Parlement marocain est composé de deux chambres :
Le
Parlement vote la loi mais approuve, également, le plan et ratifie les traités
internationaux. Le domaine de la loi a été délimité par l’article 46. Il s’agit
d’une compétence d’attribution, c’est à – dire limitée à des domaines précisés
et énumérés par
_________________________________________________________
* in "cahiers de la Documentation
Marocaine" n°5, février 1988 et in REMALD n °23, 2000
La procédure législative passe par plusieurs étapes successives : l’initiative des lois, l’examen en commission, la fixation de l’ordre du jour et enfin le débat législatif et le vote.
A.
L’initiative des lois
Elle appartient, concurremment, au Premier ministre (projets de lois) et aux parlementaires (propositions de lois).
Les
projets et les propositions de lois peuvent être déposés indifféremment sur le
bureau de
B.
L’examen en commission
L’examen en commission est indispensable puisqu’un projet ou proposition de texte ou, éventuellement, un amendement ne peut faire l’objet d’une discussion ou d’un vote s’il n’a pas été préalablement soumis à l’examen d’une commission compétente dont le travail se poursuit entre les sessions (art.54).
Chaque commission constitue son bureau et désigne son président en respectant la représentation proportionnelle des groupes parlementaires. Immédiatement après réception du texte de loi, il est procédé par la commission à la désignation d’un rapporteur qui a pour tâche de résumer devant le parlement, en séance plénière, les travaux de la commission. Le renvoi du texte de la loi devant une commission constitue le temps fort de la discussion. La commission procède à des auditions du ministre intéressé et des personnalités compétentes et vote sur les conclusions auxquelles son rapporteur est parvenu.
C.
La fixation de l’ordre du jour
L’examen public des textes des projets ou propositions nécessite leur inscription à l’ordre du jour qui est le programme de la séance. L’ordre du jour est établi par le bureau de la chambre concernée mais il comporte, par priorité, les projets dont le gouvernement a eu l’initiative et les propositions de lois acceptées par lui (art.56).
D.
Le débat législatif et le vote
La discussion en séance plénière se déroule devant la première chambre saisie sur le texte présenté par le gouvernement ou de la proposition de loi inscrit (art.58, alinéa 1er). Elle s’engage par l’audition du gouvernement et se poursuit par l’audition du rapport présenté par la commission concernée. Chaque groupe parlementaire dispose d’un temps de parole variable suivant la nature du texte et du plan de travail de chaque chambre. Le bicaméralisme institué par la révision constitutionnelle de 1996 oblige l’examen successif du texte dans chaque chambre en vue de l’adoption d’un texte identique. Une chambre saisie d’un texte voté par l’autre délibéré sur le texte qui lui est transmis. Cette navette (le va et vient) donne lieu à deux situations :
- Ou bien un texte identique est adopté après une lecture dans chaque chambre. En ce cas, le texte sera adressé à sa Majesté le Roi pour être promulgué.
- Ou bien en l’absence d’accord entre les deux chambres, il sera procédé dans chacune d’elle à une nouvelle lecture. Si l’accord n’a pas pu être réalisé, le gouvernement peut provoquer la réunion d’une commission paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion. A ce stade deux hypothèses sont à envisager :
* Le texte élaboré par la commission parlementaire avec ses amendements peut être soumis pour adoption par le gouvernement aux chambres.
* Si la commission ne parvient pas à l’adoption d’un texte ou si celui-ci n’est pas adopté par les deux chambres, le gouvernement peut le soumettre à la chambre des représentants qui statue en dernier ressort.
Le débat législatif est sanctionné par un vote. Une loi est considérée comme adoptée lorsqu’elle a été votée par la majorité des suffrages exprimés par les parlementaires présents.
II.
La fonction de contrôle
Le Parlement exerce sa fonction de contrôle sur l’action gouvernementale par plusieurs procédés dont certains mettent en jeu la responsabilité du gouvernement et d’autres n’engagent pas sa responsabilité politique :
A. Les procédés de contrôle ne mettant pas en jeu la responsabilité du
gouvernement
Il existe trois procédés : les questions parlementaires, les commissions d’enquête et les motions d’avertissement.
1.
Les questions parlementaires
On distingue les questions écrites et les questions orales :
a.
Les questions écrites
Ce sont des demandes de renseignements adressées par un parlementaire à un ministre déterminé qui dispose d’un délai fixé par le règlement intérieur du parlement pour y répondre. Elles sont publiées au Bulletin officiel.
La question écrite doit remplir deux conditions : une condition de forme qui exige qu’elle soit rédigée et remise au président de la chambre intéressée et une condition de fond qui implique qu’elle ne doit contenir aucune imputation personnelle à l’égard des personnes concernées.
Le nombre des questions écrites est de plus en plus important. A titre indicatif il est passé de 872 au cours de la troisième législature (1977-1983) à 1713 pendant la quatrième législature (1987-1992). Plus de 80% des questions écrites posées pendant cette période ont obtenu des réponses.
b.
Les questions orales
Elles
constituent un moyen assez efficace du contrôle de l’action gouvernementale.
L’article 56 de
Le bureau des chambres du parlement assure la tâche d’inscrire à l’ordre du jour de la séance hebdomadaire les questions orales prêtes en accordant la priorité aux questions d’actualité et urgentes.
Il décide, également, les questions qui seront suivies d’un débat de celles qui ne seront pas. Les questions orales doivent respecter un certain nombre de conditions, notamment, l’unité du thème et son caractère « global ou national ». Les parlementaires utilisent de plus en plus ce procédé pour renforcer le dialogue avec le gouvernement.
A titre indicatif, le nombre des questions orales est passé de 1076 au cours de la troisième législature (1977-1983) à 2443 pendant la législature 1984-1992.
2.
Les commissions d’enquête
Le Parlement peut constituer les commissions d’enquête et d’investigation pour s’informer sur une question jugée importante : un événement, un scandale, une affaire…
Selon la constitution révisée de 1996, les commissions d’enquête peuvent être créées soit à l’initiative de Sa Majesté le Roi, soit à la demande de la majorité des membres de l’une des deux chambres (art.42, alinéa2).
L’enquête ne peut concerner les faits donnant lieu à des poursuites judiciaires. De même, si une information judicaire est ouverte après création de la commission, la mission de celle- ci prend fin. Les commissions d’enquête sont temporaires et leur fonctionnement est placé sous le signe du secret.
Prévues par les règlements intérieurs du parlement depuis 1962, les commissions d’enquête ont fini par être constitutionnalisées lors de la révision de 1992. Plusieurs commissions d’enquête ont vue le jour au cours de la vie du parlement marocain, notamment la commission d’enquête sur «l’affaire du baccalauréat en 1979 », la commission d’enquête sur les événements du 14 décembre 1990 à Fès et à Tanger et enfin la commission d’enquête sur la drogue en 1996.
3.
La motion d’avertissement
La chambre des conseillers peut voter des motions d’avertissement (art. 77, alinéa 1er).
Cette technique originale vise à attirer l’attention du gouvernement sur une question jugée importante. La motion d’avertissement doit être signée par le 1/3 au minimum et adoptée à la majorité absolue des membres. Adressée au Premier ministre, celui –ci dispose d’un délai de six jours pour y répondre. Sa déclaration est suivie d’un débat sans vote.
B. Les procédés de contrôle mettant en jeu la responsabilité du
gouvernement
L’initiative de la mise en jeu de la responsabilité du gouvernement est, soit d’origine gouvernementale, soit d’origine parlementaire.
1.
L’initiative d’origine
gouvernementale
Elle prend deux formes :
a. La mise en
cause de la responsabilité sur un programme
Dès sa formation, le gouvernement doit jouir de la confiance du Parlement en présentant une déclaration de programme intéressant la politique économique, sociale, culturelle et extérieure du pays. Suivie d’un débat, cette déclaration de programme est sanctionnée par un vote devant la chambre des représentants. Ce vote est connu sous le nom de vote d’investiture. Le refus de la confiance entraîne la démission collective du gouvernement.
b. La mise en cause de la responsabilité fondée sur une déclaration de
politique générale ou sur le vote d’un texte
La déclaration de politique générale devant la chambre des représentants est le deuxième moyen envisagé par l’article 75 de la constitution révisée de 1996 pour solliciter la confiance de celle- ci. Cette technique vise, essentiellement, à renforcer la cohésion de la majorité parlementaire et à faire le point sur l'action du gouvernement celui – ci peut également, engager sa responsabilité sur le vote d’un texte. Le refus de la confiance entraîne la démission collective.
2.
L’initiative d’origine
parlementaire
Elle prend la forme d’une motion de censure. La constitution révisée de 1996 accorde aux deux chambres la possibilité de déposer une motion de censure (art.77).
Toutefois, cette technique est plus facile à mettre en œuvre pour la chambre des représentants que pour la chambre des conseillers.
En effet, pour la première, elle nécessite la signature du minimum du quart (1/4) des députés alors que pour la deuxième, elle exige la recevabilité de la motion de censure au minimum du tiers (1/3) des membres. La même attitude est respectée pour l’opération du vote : la moitié est exigée à la chambre des représentants et les deux tiers (2/3) à la chambre des conseillers.
Durant la vie du Parlement marocain, les parlementaires ont déposé deux motions de censure : la première en 1965 contre le gouvernement Bahnini et la seconde en 1990 contre le gouvernement Laraki.
En conclusion, les attributions dont dispose le Parlement marocain lui permettent de légiférer, de s’informer et de surveiller, régulièrement, l’activité gouvernementale et d’avoir, le cas échéant, la possibilité de mettre en jeu la responsabilité politique du gouvernement. Elles permettent, en outre, d’établir une collaboration durable entre l’exécutif et le législatif dans l’exercice du pouvoir, collaboration nécessaire au bon fonctionnement du système politique marocain.
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